mardi 6 août 2013

Le Chemin des Dames (Deuxième partie)

Ce message fait suite à celui-ci:
http://montour1959lasuite.blogspot.fr/2013/08/le-chemin-des-dames-premiere-partie.html

Me voici donc au seuil de la caverne du Dragon pour une visite guidée, seule possibilité de la visiter : les visites libres n'existent.
En effet, si j'en crois l'inventaire culturel de Picardie, elle couvre une superficie de 2,5 hectares et compte 3,5 kilomètres de galeries, il ne faudrait pas que le visiteur solitaire s'y perde.
Seule carrière officiellement visitable, elle est depuis 1969 un musée, sous l'égide du Souvenir français tout d'abord.
A partir de 1995, c'est le département de l'Aisne qui en devient le gestionnaire, créant un lieu de mémoire à la muséographie plus moderne.
Plongés dans la pénombre, 15 mètres sous terre, les visiteurs découvrent au fil du parcours la vie des soldats (le puits, la chapelle, l'hôpital, le dortoir) dans ce lieu que même les plus violents bombardements parvinrent à peine à ébranler.
Photos interdites bien sûr, il faudrait le flash !
Endroit émouvant, étonnant... 
Un petit bémol toutefois : seule la torche du guide permet d'éclairer correctement les lieux, alors il faudrait venir équipé d'une lampe frontale pour découvrir tout ce qui est exposé, d'autant plus que l'on est tributaire du bon vouloir du guide qui mène la visite à son rythme...
Ressorti à la lumière du jour, je me rends tout à côté de la Caverne où un hommage est rendu aux Tirailleurs sénégalais qui versèrent beaucoup de sang en ces lieux en 1917.
Intitulée "Constellation de la douleur", l'oeuvre de Christian Lapie fut commandée pour la célébration du 90ème anniversaire de la bataille, en 2007.
Plantés dans une prairie sur la pente sud du Chemin des dames, de grandes statues noires nous rappellent la présence ici, voici bientôt 100 ans, de milliers de soldats originaires de l'Afrique occidentale française.
Symbole de la Force noire chère au général Mangin (Que certains surnommèrent "Le buveur de sang"... ), 15 000 tirailleurs sénégalais, transis de froid, s'élancèrent à l'assaut du Chemin des dames le 16 avril 1917 à 6H00 du matin...
D'après Pierre Miquel ("Le Chemin des dames", Librairie académique Perrin), "les douze bataillons de Sénégalais (...) avaient perdu au moins 4429 hommes en trois jours." Quant aux survivants, ils étaient "affaiblis par le froid humide et la boue glacée, au cours des deux nuits consécutives qu'ils avaient eu à passer sur le terrain". "La plupart des tireurs avaient les pieds et les mains atteints de gelures..."
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés ! 
Il est temps, ici, d'évoquer les mutineries de 1917. Parmi tous ces soldats, traités comme de la chair à canon par une hiérarchie militaire convaincue d'avoir raison, certains refusèrent de remonter au front pour prendre la relève.
Si l'offensive Nivelle fut validée par le pouvoir politique, le général en chef s'était engagé à l'arrêter si la percée n'était pas réalisée dans les deux jours... Les combats durèrent plusieurs semaines ! Si un sentiment révolutionnaire animait certains soldats (On entendit, à Dormans, dans la Marne, certains crier "A bas la guerre ! Vive la révolution !), la fatigue, le sentiment que tout cela ne mène à rien était certainement la motivation de la plupart d'entre eux.
Si j'en crois Wikipédia, environ 3500 mutins furent condamnés, dont plus de 550 condamnations à mort. La plupart des condamnés à mort furent graciés mais 49 Poilus furent exécutés.
Quand je reprends la route, l'après-midi est bien entamée. Après une longue descente sur le flanc nord du Chemin des dames, me voici à l'abbaye de Vauclair. 
Complètement ruinée par les combats de 1917, elle servit de carrière pour la reconstruction de la région : rempierrage des routes, constructions diverses...
Puis petit à petit, elle fut envahie par la végétation et sombra dans l'oubli jusqu'aux années 1960 où des fouilles archéologiques furent lancées. L'abbaye de Vauclair, ou plutôt ses ruines, va connaître une deuxième vie !
 C'est un lieu de promenade fort prisé aujourd'hui, à proximité du plan d'eau de l'Ailette, auquel l'abbaye est reliée par une voie verte (à déconseiller aux vélos de course...).







En tout cas, le jardin de plantes médicinales qui est implanté dans l'abbaye apporta à cette randonnée une note apaisante.
Mais j'ai déjà repris la route vers une nouvelle étape, le petit village de Martigny Courpierre sur la route de Laon.

Si beaucoup de villages furent détruits pendant la Première Guerre mondiale, ce fut aussi le cas de nombreuses églises.
Beaucoup furent reconstruites. C'est en particulier le cas de cette église de Martigny Courpierre.







Et je ne regrette pas d'avoir fait ce petit détour car c'est un véritable... ... CHEF D'OEUVRE (de mon point de vue...)
Le chantier de reconstruction de cette église commença en 1928. Une construction en béton !

L'architecte en était Albert Paul Muller.







Entrer dans cette église, c'est d'abord être saisi par cette lumière...



La lumière, donc, magnifique, grâce aux vitraux.
Puis, ce sont les fresques qui captent l'attention, en particulier le Christ qui trône au dessus du choeur. Ces fresques sont l'oeuvre du peintre Eugène Chapleau.
Le chemin de croix est tout aussi remarquable.








Il manque quelques stations (J'ai raté les photos...).
D'autres fresques valent également le coup d'oeil. Hélas, certaines commencent à s'abîmer. Attention à ne pas abandonner une telle oeuvre !
Même le carrelage vaut le détour, malgré les crottes de pigeons...
Cette église art déco fut vraiment la grande bonne surprise de cette randonnée. Une église ouverte, c'est déjà rare... mais un édifice de cette qualité : BRAVO ! A conserver absolument.
Petite anecdote qui n'a rien à voir avec cette sortie, mais quand même...
Lors de notre court passage dans le Gers voici quelques semaines, nous avions rencontré un cycliste belge à Lectoure. Et bien, nous l'avons croisé à nouveau vendredi dernier, près de Provins ! Il remontait tranquillement chez lui après deux mois de voyage en France. Il me racontait qu'il allait souvent demander la clef de l'église du village lorsque celle-ci était fermée (au voisin, à la boulangère...). Il m'avoua même que parfois c'était la clef la chose la plus intéressante de l'église... A Martigny Courpierre, ce n'est pas le cas ! Je lui ai d'ailleurs conseillé de faire le détour puis qu'il avait l'intention  de passer à Laon.
Sur le chemin du retour, je ferai encore un arrêt à Cerny en Laonnois sur le Chemin des Dames que je vais suivre à nouveau avant de mettre le cap sur la Seine et Marne.
La chapelle oecuménique veut rendre hommage à tous les combattants.
Deux nécropoles cohabitent en ces lieux, l'une française,
...l'autre allemande.
L'occasion pour moi de rendre hommage à tous ces hommes tombés, ici et ailleurs.
Pour cela, je vais utiliser une chanson de Pierre Louki.

Les cimetières militaires, 

Pardon Monsieur le surveillant, 

Les cimetières - pourquoi le taire ? -
Militaires sont accueillants.
Quels que soient le vent, les nuages, 
Les fleurs y poussent fraîches toujours
Poussent dessus la fleur de l'âge
La fleur de l'âge des tambours
Les cimetières militaires,
Pardon Monsieur le lieutenant,
Les cimetières - pourquoi le taire ? -
Militaires sont avenants.
Les allées sont larges et sûres
On y trouve silence et paix
La gazon y est sans blessure
Et la visite à peu de frais.
Les cimetières militaires,
Pardon Monsieur le combattant,
Les cimetières - pourquoi le taire ? -
Militaires sont déroutants.
Et le vieux gardien qui arrose
Les roses vivant à ses pieds
Dit que ça n'est pas toujours rose
Que de vivre au pied des troupiers
Les cimetières militaires,
Pardon Monsieur le revenant,
Les cimetières - pourquoi le taire ? -
Militaires sont inconvenants.
On dira que je suis coupable
On me traînera dans la boue
De la Normandie en Champagne
Mais tant pis j'irai jusqu'au bout.

Les cimetières militaires,
Pardon Messieurs les braves gens,
Dessous leur terre cachent mes frères
Braves gens soyez indulgents.
Que dire de plus... Prendre la route et rentrer.
Non sans avoir fait halte près de la chapelle sainte Berthe.
Fermée, elle.
Tout comme le Fort de Malmaison qui vit également d'intenses combats avant d'être repris par les troupes françaises à l'automne 1917.
La végétation, ici aussi semble avoir repris ses droits.
Et cette fois, je quitte le Chemin des Dames par une petite route à la pente rude...
Après avoir franchi la rivière Aisne, il me faut pédaler vers le sud.
Les routes sont calmes.
Je repasse devant le monument commémoratif de la deuxième bataille de la Marne : les fameux fantômes de Landowski.
Puis je traverse le Belleau Wood où tant de marines laissèrent leur vie en 1918.
La chapelle semble en cours de rénovation.
Au coucher du soleil, je franchis la Marne.
Et c'est après avoir réparé une crevaison, à la pile ! que je rentre chez moi à la nuit noire.
Une petite vidéo de Juliette Gréco chantant LOUKI pour finir :

1 commentaire:

  1. Effectivement, l'église Martigny Courpierre n'a pas l'air classique, et les lumières semblent magiques!!!
    Quant à cette "drôle de guerre", un très beau reportage!

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