mercredi 15 février 2012

Les plaques de cocher

J'ai souvent présenté ici ces petites plaques de fonte qui attirent l'attention des cyclistes pas trop pressés sur les routes de nos belles  régions.
S'il en reste en grande quantité à de nombreux carrefours, aux entrées et sorties de villages, scellées sur le mur d'un lavoir, d'une église ou d'une simple maisonnette, beaucoup sont dans un état lamentable...
... quand d'autres sont bien entretenues, la plupart du temps par le propriétaire du mur (sic) qui à l'occasion d'un ravalement remet à neuf la petite plaque bleue.
Ces plaques de cocher, car tel est leur nom, ont été installées entre la première moitié du XIXème siècle et les années 1920 afin d'aider les cavaliers à se repérer, à trouver leur chemin à chaque carrefour. Elles sont ainsi toujours placées à plus de 2 mètres du sol.
Autant dire qu'avec l'avènement de l'auto, elles sont devenues obsolètes : placées trop haut, elles présentes aussi des écritures trop petites pour l'automobiliste, surtout s'il est myope...
Si la plupart des plaques ayant échappé aux outrages du temps sont fixées sur des murs, il en reste  qui étaient placées sur un mât, toujours à bonne hauteur pour la circulation hippomobile.


Ces mâts devaient être fort nombreux. J'en ai trouvé l'illustration sur ce petit livret à l'usage des écoliers des années soixante (en application du décret du 28 novembre 1958 portant sur l'enseignement de code de la route...).




L'illustration de la circulation en 1930 nous montre une de ces plaques de cocher fièrement arrimée à un mât...
...quand celle relative à 1959 (et oui, ce petit ouvrage fut édité en septembre 1959 : il s'en passa des choses en ce joli mois...), nous montre un poteau Michelin, très rares aujourd'hui !
Pourtant le manuel scolaire nous présente sur le dessin-problème n°5 une plaque de cocher : quel joyeux bazar sur cette route ! Quand il reviendra à la circulation, M. Guéant pourra en dresser des contraventions...








Sur cet autre livret, datant de la même époque, et qui s'adresse au piéton, au cycliste et au conducteur de... troupeaux (une autre époque, n'est-ce pas !?), une plaque de cocher (ou une imitation ?) est également présente.










Ici, les voitures sont de plus grosses cyclindrées...
Bien peu de ces mâts, nous l'avons tous remarqué, subsistent aujourd'hui...
...et certains ne devraient plus résister très longtemps, hélas...
J'ai même repéré ce triste mât, entre Meilleray (77) et Villeneuve la Lionne (51), sans plaque ! Parions que celle-ci a fait le bonheur d'un collectionneur ou la "fortune" d'un brocanteur...
Ces plaques de cocher racontent un peu l'histoire de notre réseau routier local. Exemplaires uniques, chaque plaque a en effet été moulée une seule fois. Imagine-t-on le travail que cela a représenté ?
De petites fonderies locales devaient réaliser ces  objets de fonte.
Le département, le numéro de la route (ici, le Chemin de grande communication N° 46), le nom du village où est installée la plaque et bien sûr, l'indication des prochains villages à l'hectomètre près : le GPS avant l'ère du numérique !
Les informations d'autres plaques sont plus sommaires (ici dans le Perche) : souci d'économie ? La fonderie était-elle payée au caractère "imprimé" ?
Radinerie communale ici aussi, le fait de placer tant d'informations sur une seule plaque ?
Quand dans cette petite commune de la Marne, on installe deux plaques de cocher et une troisième pour rendre hommage au bienfaiteur de la commune. Ou bien est-ce la famille dudit bienfaiteur qui aurait payer tout cela ? Nous ne le saurons jamais...
Et ce mât, à la sortie du village de Bannost, indique-t-il un conflit, un litige, entre un maire ronchon et un contribuable irascible...
 ... qui n'a pas voulu que l'on installât la plaque sur son mur ? En tout cas, elle mériterait une remise à neuf...
... ainsi qu'il fut fait des autres plaques de la commune. On notera que le nom n'apparaît pas sur cette jolie plaque fixée sur l'église de Bannost.
Aucune normalisation de ce type de signalisation ne fut réalisée sur l'ensemble du territoire (Le jacobinisme de nos "élites" n'alla pas jusque là !), comme en témoigne cette plaque en tôle émaillée, rare car celles-ci résistèrent moins bien aux intempéries que les plaques de fonte. Ces dernières restent les plus nombreuses sur nos petites routes  de campagne.
Certaines plaques peuvent nous ramener à une histoire locale un peu oubliée.
Qui se souvient encore qu'il y eut une gare à Bellot (77) sur la ligne reliant la Ferté sous Jouarre à Montmirail. Ligne qui fut en service de 1889 à 1947.
Et ce vieux mât délabré, si rue du tacot, nous rappelle une autre ligne de chemin de fer, celle de Meaux à Dammartin en Goële qui fut en service de 1910 à 1938.
Serait-ce une sortie scolaire de l'école des filles ?
Ne mériterait-elle pas un petit coup de peinture cette vieille plaque, madame le Maire (ou bien Madame la Mairesse ou bien Madame la Maire...) ?
Pour en terminer (provisoirement ?) avec ce sujet, j' ai recherché des plaques de cocher sur des cartes postales anciennes des villages proches de La Ferté Gaucher. 
Ainsi j'ai pu tracer un petit itinéraire pour ma sortie du mercredi après-midi : Bloguer est un vrai métier...
A Vieux maisons, comme en 1923...
...la plaque est toujours en place !


Les petites filles n'étaient plus là : sans doute étaient-elles occupées, par cette triste journée, à jouer à la Playsation...




A Leudon, la double plaque en place vers 1908 a disparu.
Plus personne dans les rues...
Chartronges vers 1905 : son église, son presbytère et ses deux plaques de cocher...
...qui sont toujours en place aujourd'hui. 


Le petit gars sur son vélo était peut-être parti rouler avec l'école de cyclisme de la Ferté Gaucher ?


Le clocher quant à lui a disparu derrière le grand arbre !
Au début du vingtième siècle, les routes de Jouy (à droite) et de Coulommiers (à gauche) étaient bien fréquentées...
...comme en témoignent ces deux cartes postales.
Aujourd'hui, le trafic était faible : plus de piétons ni de cavaliers, seul un cycliste mouillé prenait une photo...
La signalisation a bien changé et Jésus, sur sa croix, (mais est-ce toujours le même ?) est le seul témoin de ces deux époques.

7 commentaires:

  1. BRAVO, EXCELLENT SUJET! MERCI JEAN-PIERRE
    J'apprécie toujours lors de mes randonnées ces fameuses plaques de cocher, ainsi que les anciens panneaux, bornes Michelin ou autres panneaux d'Automobile-club...que je ne manque pas de fixer sur mes "pellicules!
    a+ Hubert

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  2. Superbe reportage ... Le temps que tu y consacres (prendre les photos, imaginer un fil conducteur, aller fouiller dans les archives, rédiger) me laisse rêveuse. Que nous réserves-tu pour les années où tu auras encore plus de temps à passer sur ton blog ?
    Je rassure tous nos amis lecteurs de ce blog : il m'en garde un peu pour moi, y'a intérêt !

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  3. Contrairement à ce que certains prétendent, le temps ce n'est pas de l'argent, c'est du bonheur !

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  4. Amusant, aujourd'hui, je suis allé à la quête du Grâal...bientôt sur mon blog !

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  5. Bravo pour votre article sur les plaques de cocher, je les connaissais mais je les redecouvre grace a la photo. J'ai commencé une nouvelle rubrique sur mon blog (vestige urbain) d'ou mon intéret pour ces plaques. Phil

    http://photodephil.blogspot.fr/

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  6. Je ne savais pas que ce type de plaque portée ce nom. Il y en a beaucoup en Gironde, j'en ai photographié quelques unes, restaurées, je m'attarderais maintenant sur celles qui ne le sont pas.

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