A partir de la page 10, c'est au tour du grand public de donner son avis sur le vélo. Dans son enquête, le journaliste François Terbeen donne tout d'abord...
Le Docteur Héraud (encore un "Héros" du vélo... ) dirigeait à l'époque l'Institut National des Sports.
Il conseille la pratique du vélo "(..) à tous ceux qui ont le respect d'eux-mêmes (...). Le vélo entretient ou développe l'individu, en affinant sa silhouette, en éliminant les toxines, en permettant une complète activité des membres inférieurs, sans que le poids du corps intervienne, en augmentant la résistance physique, en fortifiant le coeur et les poumons. Si la pratique de la bicyclette est complétée par des exercices d'exercices physiques et de musculation, elle devient un aboutissement parfait. Elle constitue aussi un excellent moyen de détente et d'enrichissement de l'esprit par la possibilité de mieux voir et de mieux retenir tout ce qui se trouve "escamoté" au volant d'une voiture (..)."
C'était en 1966, vélo-santé, vive le vélo, Docteur ! J'aime bien la formule "à tous ceux qui ont le respect d'eux mêmes".
L'intellectuel en question, c'est Jean-François Brisson, rédacteur en chef du Figaro, que l'on voit ici roulant au côté de Jacques Faizant. On voit que la presse "progressiste" (Miroir du cyclisme était une publication des Editions J, groupe de presse dans la mouvance du Parti communiste français) savait trouver des alliés dans la presse "bourgeoise" et pour tout dire "réactionnaire" (Avez-vous déjà lu le Figaro ?) pour défendre la cause du vélo ! Monsieur Brisson avoue qu'il fut converti à la Petite reine par le docteur Ruffier en 1959 et que depuis, il couvre environ 1500 kilomètres par an au Bois de Boulogne et en vallée de Chevreuse essentiellement. Et bien sûr, il recommande cette pratique sportive :
"A une époque où le commun des mortels n'a qu'un rêve, celui de posséder une automobile et de la remplacer, au fil de ses ambitions, par une autre plus rapide ou plus luxueuse, la bicyclette reste la sauvegarde de l'homme. Elle est son amie pratique et peu encombrante. Elle le délivre de la paresse physique et lui assure de vivre mieux et plus longtemps. Ceux qui, en fonction d'un snobisme situant la bicyclette au rayon des inventions démodées, ont oublié le plaisir de cotoyer forêts et rivages en pédalant au gré de leur fantaisie, les vacances venues, se privent assurément d'une source de joie capable d'augmenter leur vitalité."
Vélo-vitalité, et vive le vélo !
Le jeune coureur s'appelle Jacques Tauzin, il a 17 ans et court en catégorie Junior sous les couleurs du CMS Pantin. D'ailleurs, c'est au collège technique de Pantin qu'il prépare le métier de fraiseur. C'est à Pantin également que son papa, avec qui il pose ici, est gérant du bar-tabac "Le Balto".
Et Monsieur Tauzin est heureux de voir son fils faire du vélo : "(...) pendant ce temps-là, il ne s'occupe ni des dancings, ni des filles(sic)". Aujourd'hui la formulation changerait certainement. Voilà bien longtemps que les dancings ont disparu et que les filles ne font plus peur aux bons pères de familles. Autre temps, autres dangers ?
Le papa avoue vivre intensément les courses de son fils qu'il accompagne chaque dimanche. "(...)Je les "pense" avec lui, et je me bats en même temps. Cela se passe à l'intérieur, vous comprenez ? Aux arrivées, je suis plus "cuit" que mon fils (...)."
Qui n'a pas passé un dimanche après-midi sur le bord des routes départementales d'Ile de France, de Bretagne ou d'ailleurs, ne peut pas comprendre ce que ressentait ce papa. Ces dizaines de papas et de mamans, de tontons et de tatas, de papys et de mamies, de grandes sœurs et de petits frères, qui viennent encourager LE coureur de la famille.
Pendant les quelques années où je fus coureur cycliste, bien modeste, mon père me suivit dans mes aventures dominicales bretonnes. Il portait mes roues de rechange, au cas où j'aurais été victime d'une crevaison. Il me passait les bidons quand j'en avais besoin. Il m'informait sur l'identité des coureurs échappés ou lâchés.
Le temps d'attente entre chaque passage des coureurs -nos courses de 3ème et 4ème catégorie se déroulaient sur des circuits de 2, 3, 4 ou 5 kilomètres- il refaisait la course (et parfois les courses précédentes et parfois le monde aussi) à la buvette, pas très loin de la ligne d'arrivée, avec Maurice, Ferdinand ou Norbert...
Les rares fois où j'ai remporté un bouquet, je crois qu'il en fut fier.
Ces dimanches étaient les seuls jours où il abandonnait son béret pour porter sa casquette de marin car la plupart du temps les courses se déroulaient en Bretagne intérieure où mon père tenait à afficher son statut de marin envers les "paysans" qui nous recevaient. La Bretagne d'alors était terre de marin, de paysans et de... cyclistes !
Aux abords de la ligne d'arrivée, s'agglutinait ainsi un public averti qui nous applaudissait dans une odeur de galettes au sarrazin (j'ai failli écrire merguez, mais ça ne fait pas couleur locale, et pourtant...) et de barbe-à-papa. Car la course cycliste, le critérium (J'aimerais tant m'échapper du peloton, aspirer quelques secondes d'éternité je m'en remplirais les poumons et dans ton corps les soufflerais. Mais je n'ai jamais connu la gloire, n'étant qu'un vulgaire passeur de bidon... - "Le Critérium", Christophe MIOSSEC), le Grand prix, était le point d'orgue d'un week-end de festivités, les fêtes locales ou le pardon. Durant ces jours festifs, le bal populaire était un événement incontournable où l'on élisait la Reine du village (...Remporter le critérium, c'est pas rien crois-moi, mais t'embrasser sur le podium, là c'est tout pour moi. Je voudrais que tu vois comme j'en chie pour toi, pour trois fleurs sur le podium, ah ça, j'en bave, crois-moi - "Le Critérium", Christophe MIOSSEC).
Souvent, il y avait un fest-noz aussi, en Bretagne bien sûr, et bien entendu la grande fête foraine et le concours de boules et puis, une, deux, trois ou quatre courses cyclistes réparties sur les trois jours du week-end, selon la richesse du comité des fêtes.
La reine du jour (Reine toujours ?), et ses dauphines, faisaient le tour du circuit dans la voiture (décapotable !) du président du Comité des fêtes qui était garagiste ou boulanger. Ensuite, elles allaient se promener parmi les spectateurs pour récolter la prime du public ("4000, 3000, 200 et 1000, au prochain tour, messieurs les coureurs !")
Pendant que les papas, les papys, les spectateurs lambda restaient à proximité de la ligne d'arrivée et des buvettes et des auto-tamponneuses, les mamans, les mamies, les grandes sœurs et tous les spectateurs sobres, marchaient autour du circuit, mais en sens inverse de la course, pour voir arriver le peloton bariolé. C'est toujours un ravissement d'entendre un peloton passer, le cliquetis des roue-libre, le crissement des patins de frein qui frottent la jante, les rires parfois, les injures aussi. Et puis l'odeur du camphre que nous apporte l'air que le peloton déplace. Et le petit gars lâché qui ne reverra jamais le peloton mais que l'on encourage quand même, non par pitié, par respect.
(Sur ce sujet on peut aussi se régaler de l'article écrit sur l'excellent blog A l'encre violette :
Histoire de critérium )
Aujourd'hui encore, lorsque je croise une course de jeunes en Brie ou ailleurs, je vois les mêmes personnes au bord de la route. Certains rêvant sans doute de gloire pour leur progéniture, d'autres passant simplement un bon moment à la campagne.
Nous restons toujours dans l'est parisien, la banlieue rouge de l'époque où François Terbeen va à la rencontre de trois frères cyclistes à la Porte des Lilas.
"Porte des Lilas, quand l'école est finie, c'est toujours une chanson. En approchant des bâtisses neuves, qui abritent tant de familles laborieuses, on a l'impression d'entendre battre le coeur des enfants, que le jeudi libère (...)."
Et je ne résiste pas au plaisir de retranscrire l'interview des gamins et de la maman à l'époque où la banlieue semblait heureuse, loin des clichés véhiculés de nos jours.
Gageons que, même si le vélo n'est plus le sport populaire qu'il fut voici 50 ou 60ans, gageons donc que nous trouverions encore aujourd'hui un Jacques Tauzin ou trois frères Rollais pour nous tenir les mêmes propos, même dans l'ex-banlieue rouge. Les rêves de gosses ont-ils vraiment autant changé qu'on nous le dit ou que nous le croyons ?
L'auteur de l'enquête demande maintenant son point de vue à l'homme de la rue. Existe-t-il encore dans notre beau pays de France des monteurs en chaussures ? Retraité paisible, Monsieur Chapelin fut un cycliste vaillant.
Et M. Chapelin de raconter son enfance cycliste :
Puis le jeune Parisien laissa son vélo de côté pour le reprendre la retraite venue.
Et Monsieur Tauzin est heureux de voir son fils faire du vélo : "(...) pendant ce temps-là, il ne s'occupe ni des dancings, ni des filles(sic)". Aujourd'hui la formulation changerait certainement. Voilà bien longtemps que les dancings ont disparu et que les filles ne font plus peur aux bons pères de familles. Autre temps, autres dangers ?
Le papa avoue vivre intensément les courses de son fils qu'il accompagne chaque dimanche. "(...)Je les "pense" avec lui, et je me bats en même temps. Cela se passe à l'intérieur, vous comprenez ? Aux arrivées, je suis plus "cuit" que mon fils (...)."
Qui n'a pas passé un dimanche après-midi sur le bord des routes départementales d'Ile de France, de Bretagne ou d'ailleurs, ne peut pas comprendre ce que ressentait ce papa. Ces dizaines de papas et de mamans, de tontons et de tatas, de papys et de mamies, de grandes sœurs et de petits frères, qui viennent encourager LE coureur de la famille.
Pendant les quelques années où je fus coureur cycliste, bien modeste, mon père me suivit dans mes aventures dominicales bretonnes. Il portait mes roues de rechange, au cas où j'aurais été victime d'une crevaison. Il me passait les bidons quand j'en avais besoin. Il m'informait sur l'identité des coureurs échappés ou lâchés.
Le temps d'attente entre chaque passage des coureurs -nos courses de 3ème et 4ème catégorie se déroulaient sur des circuits de 2, 3, 4 ou 5 kilomètres- il refaisait la course (et parfois les courses précédentes et parfois le monde aussi) à la buvette, pas très loin de la ligne d'arrivée, avec Maurice, Ferdinand ou Norbert...
Les rares fois où j'ai remporté un bouquet, je crois qu'il en fut fier.
Ces dimanches étaient les seuls jours où il abandonnait son béret pour porter sa casquette de marin car la plupart du temps les courses se déroulaient en Bretagne intérieure où mon père tenait à afficher son statut de marin envers les "paysans" qui nous recevaient. La Bretagne d'alors était terre de marin, de paysans et de... cyclistes !
Aux abords de la ligne d'arrivée, s'agglutinait ainsi un public averti qui nous applaudissait dans une odeur de galettes au sarrazin (j'ai failli écrire merguez, mais ça ne fait pas couleur locale, et pourtant...) et de barbe-à-papa. Car la course cycliste, le critérium (J'aimerais tant m'échapper du peloton, aspirer quelques secondes d'éternité je m'en remplirais les poumons et dans ton corps les soufflerais. Mais je n'ai jamais connu la gloire, n'étant qu'un vulgaire passeur de bidon... - "Le Critérium", Christophe MIOSSEC), le Grand prix, était le point d'orgue d'un week-end de festivités, les fêtes locales ou le pardon. Durant ces jours festifs, le bal populaire était un événement incontournable où l'on élisait la Reine du village (...Remporter le critérium, c'est pas rien crois-moi, mais t'embrasser sur le podium, là c'est tout pour moi. Je voudrais que tu vois comme j'en chie pour toi, pour trois fleurs sur le podium, ah ça, j'en bave, crois-moi - "Le Critérium", Christophe MIOSSEC).
Souvent, il y avait un fest-noz aussi, en Bretagne bien sûr, et bien entendu la grande fête foraine et le concours de boules et puis, une, deux, trois ou quatre courses cyclistes réparties sur les trois jours du week-end, selon la richesse du comité des fêtes.
La reine du jour (Reine toujours ?), et ses dauphines, faisaient le tour du circuit dans la voiture (décapotable !) du président du Comité des fêtes qui était garagiste ou boulanger. Ensuite, elles allaient se promener parmi les spectateurs pour récolter la prime du public ("4000, 3000, 200 et 1000, au prochain tour, messieurs les coureurs !")
Pendant que les papas, les papys, les spectateurs lambda restaient à proximité de la ligne d'arrivée et des buvettes et des auto-tamponneuses, les mamans, les mamies, les grandes sœurs et tous les spectateurs sobres, marchaient autour du circuit, mais en sens inverse de la course, pour voir arriver le peloton bariolé. C'est toujours un ravissement d'entendre un peloton passer, le cliquetis des roue-libre, le crissement des patins de frein qui frottent la jante, les rires parfois, les injures aussi. Et puis l'odeur du camphre que nous apporte l'air que le peloton déplace. Et le petit gars lâché qui ne reverra jamais le peloton mais que l'on encourage quand même, non par pitié, par respect.
(Sur ce sujet on peut aussi se régaler de l'article écrit sur l'excellent blog A l'encre violette :
Histoire de critérium )
Aujourd'hui encore, lorsque je croise une course de jeunes en Brie ou ailleurs, je vois les mêmes personnes au bord de la route. Certains rêvant sans doute de gloire pour leur progéniture, d'autres passant simplement un bon moment à la campagne.
Nous restons toujours dans l'est parisien, la banlieue rouge de l'époque où François Terbeen va à la rencontre de trois frères cyclistes à la Porte des Lilas.
"Porte des Lilas, quand l'école est finie, c'est toujours une chanson. En approchant des bâtisses neuves, qui abritent tant de familles laborieuses, on a l'impression d'entendre battre le coeur des enfants, que le jeudi libère (...)."
Et je ne résiste pas au plaisir de retranscrire l'interview des gamins et de la maman à l'époque où la banlieue semblait heureuse, loin des clichés véhiculés de nos jours.
Ils étaient là plusieurs dizaines, à courir à travers les allées des bastions, insouciants du ciel gris qui
attendait d'être remplacé par celui, bleu azur, du printemps. Tout de suite, notre reporter-photographe repéra trois de ces garçons. Ils pédalaient en file indienne, comme s'il
s'agissait de battre un record, le plus grand en tête. Ils avaient fière allure dans leurs survêtements bleu roi.
— Alors, les gars, vous
aimez ça, le vélo?
Ils s'arrêtèrent, virevoltant littéralement sur place. Même le plus jeune, à peine plus grand que le Petit Poucet, le fit
avec beaucoup d'adresse.
- Si on aime ça ? s'exclama l'aîné. Je pense bien ! Moi, je fais de la bicyclette
depuis l'âge de huit ans. J'en ai
quatorze et demi.
— Comment t'appelles-tu ?
— Patrick
Rollais. Voici mes deux frères : Dominique,
douze ans et Frédéric, huit ans. A la maison, nous l'appelons « Rollaiton », parce qu'il est le benjamin...
— Vous avez des vélos neufs, dites-donc ?
— Eh oui ! fit Dominique, qui s'enhardissait.
Comme Patrick en avait eu un pour son
certificat d'études,
mes parents n'ont pas
voulu faire de jaloux. Ils
nous en ont
acheté un, à chacun.
— Non, moi, c'est le Père Noël qui me l'a apporté, protesta « Rollaiton ».
- Que fait ton papa, petit ?
— Il conduit des trains. Ma maman est laborantine, mais
elle est là le
jeudi...
Précisément, cette jeune maman, inquiète de voir ses enfants en conversation avec
deux inconnus, accourait l'air anxieux.
— Vous cherchez
quelqu'un, Messieurs ?
— Nous avons trouvé, Madame. Et nous vous félicitons d'avoir trois garçons aussi délurés, aussi sportifs...
— Je préfère,
en effet, qu'ils fassent du vélo et du football que de
les voir aller au cinéma: Vous savez, trois
garçons,
cela demande beaucoup d'attentions. Mes deux «
grands »
appartiennent à l'équipe des minimes
de l'AP-SAP. Mon mari est ravi, d'autant
plus qu'ils ont tous
les trois d'excellentes notes, en classe. Chaque soir, et chaque jeudi, ils font du vélo,
et je vous jure que ça pédale !
Pensez, ils ont grand besoin de se détendre,
d'autant plus que la pratique de
la bicyclette les développe énormément. Ces vélos
sont un peu mes alliés,
vous comprenez, sans eux, ils casseraient tout ! Oui, j'aime que
mes garçons fassent
du sport...
Gageons que, même si le vélo n'est plus le sport populaire qu'il fut voici 50 ou 60ans, gageons donc que nous trouverions encore aujourd'hui un Jacques Tauzin ou trois frères Rollais pour nous tenir les mêmes propos, même dans l'ex-banlieue rouge. Les rêves de gosses ont-ils vraiment autant changé qu'on nous le dit ou que nous le croyons ?
L'auteur de l'enquête demande maintenant son point de vue à l'homme de la rue. Existe-t-il encore dans notre beau pays de France des monteurs en chaussures ? Retraité paisible, Monsieur Chapelin fut un cycliste vaillant.
"Métro Pelleport, treize heures... Débouchant de l'ascenseur, des gens silencieux,
compressés et moroses s'évadaient sous la pluie, comme une volée de moineaux, de cette cage qu'un homme aux
tempes grises libéra le dernier. Droit
comme un « i », il semblait avoir tout son temps. Un retraité, peut-être, mais d'allure très jeune encore... Il rajusta sa casquette,
marcha vers la rue Le Bua. Se doutait-il que nous le suivions? Il se retourna
et sourit à notre reporter-photographe
qui, déjà, le « mitraillait ».
— Le point
de vue de « l'homme de la
rue » sur
la bicyclette ? Ah !
monsieur, je regrette
bien de ne
plus pouvoir faire du
vélo dans un Paris
si encombré par les
voitures. Il y aurait
trop de risques, pensez donc !
Surtout à mon âge :
soixante-douze ans..."
Et M. Chapelin de raconter son enfance cycliste :
"—
Mais on jurerait
que vous n'avez pas
soixante-cinq ans...
— Vous me
flattez. Non, non,
tenez, voici ma carte
d'identité : M.
Chapelin Marcel, né à
Paris le 8 août
1894... J'avais vingt ans
en 1914, et
votre question me rappelle
d'agréables souvenirs, car étant tout gamin et jusqu'à la déclaration de guerre, j'avais passé ma jeunesse à vélo. Il fallait avoir la foi, monsieur, car on n'était pas riches à la maison. Nous étions cinq frères et nous faisions le tour de Paris avec une
dizaine de copains, de 14 à 16 ans, sur des vélos rafistolés, grinçants, et des chaînes qui ne tombaient pas toujours d'aplomb sur
le pédalier. Mais nous étions plus heureux que des rois. Ma bicyclette,
je l'avais achetée d'occasion,
trente-cinq francs, et je me rendais souvent au marché aux Puces pour trouver des pneus de rechange,
bien fatigués, à 0 fr. 50 ! C'était le bon temps."
Puis le jeune Parisien laissa son vélo de côté pour le reprendre la retraite venue.
"(...)au
début de ma retraite, dans la Beauce, où j'avais fait l'acquisition d'une bicoque. Vous connaissez sans
doute cette région ? Le vent vous arrête un homme et l'envoie
tout net sur le bas-côté,
dons ces plaines qui s'étendent à
l'infini. Eh bien ! j'allais faire les commissions pour ma femme, toujours sur
le vélo,
soit, à Bailleau-ie-Pin, soit à Chartres. Je faisais
mes trente kilomètres par jour, en rigolant,
faisant même quelques achats pour d'outrés familles. J'étais
devenu « le
cycliste 100 % » qui faisait un peu pitié,
au moment où je courbais l'échiné peur venir à bout du «
zef » et
des côtes.
Mais à ce
régime,
ma santé devint
aussi riche que les couleurs de mes joues. Oui, monsieur, j'ai repris du
souffle grâce à la bicyclette."
Pour continuer, le journaliste est allé consulter le livre du cosmonaute russe (on devait dire soviétique à l'époque) Guerman Titov "700 000 kilomètres dans le cosmos".
Certains parviennent à parcourir une telle distance sur leur vélo mais il leur faut toute une vie ! Mais le cosmonaute sans doute pas. Il vante pourtant, lui aussi, les bienfaits de la bicyclette pour l'entrainement de l'homme de l'espace.
Il évoque également comment lui est venu l'amour du vélo.
Certains parviennent à parcourir une telle distance sur leur vélo mais il leur faut toute une vie ! Mais le cosmonaute sans doute pas. Il vante pourtant, lui aussi, les bienfaits de la bicyclette pour l'entrainement de l'homme de l'espace.
« Je n'avais garde d'oublier ma
chère bicyclette. J'éprouve un grand plaisir à me lancer sur cette machine
légère et obéissante, à ne faire qu'un avec elle et. penché sur le guidon, à
fendre l'air et
à sentir sa résistance élastique sur
tout mon corps. On roule sur l'asphalte lisse de la route, les bouleaux et les
peupliers fuient sur les bas-côtés ; les bois, les clairières, les ravins,
défilent, et l'on voudrait appuyer encore plus fort et plus vite sur les
pédales. L'air devient plus dense, il semble qu'il suffirait d'avoir des ailes
pour quitter le sol. »
Il évoque également comment lui est venu l'amour du vélo.
« La bicyclette de mon père était
pour moi un objet d'admiration constante. Je décidai d'en faire un instrument
sportif destiné aux exercices physiques et à un entraînement permanent. Les garçons
de mon âge devenaient de véritables échalas. Que pouvais-je opposer, avec ma
taille ridicule, à ces signes flatteurs ? Je résolus que ce serait la
souplesse, l'endurance et la force physique.
« C'est pourquoi, à la belle saison, je me suis
mis à parcourir chaque jour une centaine de kilomètres à bicyclette, soit sur
un itinéraire composé par moi, soit en faisant des commissions pour ma mère. Il
fallait une minute pour aller au pain, mais je sautais sur ma machine, et je
partais pour une expédition de trente kilomètres en terrain varié pour aller
à un village éloigné. Afin d'arriver à cent kilomètres, je passais voir mon
grand-père « pour une minute » au Matin de mai à trente-cinq kilomètres de
là... »
Pour terminer le tour de la question,
François Terbeen donne la parole à l'actrice Micheline Presle qui triomphe à
l'époque dans le feuilleton "Les saintes chéries" aux côtés de Daniel
Gélin, Marthe Mercadier, Pascale Roberts, Jacques Higelin ou Pierre Doris. La
Première chaine de l'ORTF diffusa trois saisons de ce feuilleton, la première en
1965 et 1966. L'actrice était donc toute désignée pour donner son point de vue
en ce printemps 1966. Si je n'ai aucun souvenir de ce feuilleton, je me rappelle de "L'homme du Picardie", de "Thierry la fronde", de "Zorro" ou de "Rintintin". Mais la parole est à Michelin Presle :
"On ne sera pas surpris d'apprendre que nombre de vedettes du beau
sexe sont sportives. De « l'acrobate » Brigitte Auber, excellente trapéziste, à la trépidante Annie Cordy, beaucoup d'artistes
entretiennent leur ligne en pratiquant la culture physique, le tennis, le ski,
voire... le cyclisme ! C'est ainsi que Micheline Presle, Danielle Darrieux,
Mylène Demongeot, Mick Micheyl
ne répugnent pas à enfourcher une bicyclette, pour se délasser et retrouver, dans cet exercice, l'une de
leurs joies d'adolescentes...
Micheline Presle ne nous a pas caché qu'elle adore pédaler dans le vent si vivifiant de cette
Bretagne où elle se rend assez
souvent.
— J'ai acheté une bicyclette toute neuve, toute scintillante,
voici deux ans,
nous a-t-elle confié. J'ai préféré cela au
vélo solex qu'utilisent
mes amies, avec lesquelles j'effectue de joyeuses sorties, lors d'un week-end,
ou en vacances. Trente ou quarante kilomètres ne me font pas peur, vous savez, mais ne
soyez pas surpris :
pendant la guerre, je faisais tous mes déplacements à bicyclette. Oh ! bien sûr, il n'est plus question pour moi de pédaler dans Paris. Il y a
de nos jours de tels encombrements que j'aurais vraiment trop peur de me faire
renverser. Mais je le regrette, car j'aime faire du vélo. C'est grisant de descendre une côte, de pédaler sur une route bien ombragée, et surtout, c'est excellent pour la forme
physique...
— Mes amies, vous vous en doutez, me taquinent
bien un peu, elles qui préfèrent au dérailleur un petit moteur bien pratique, bien
commode, mais tant pis ! Je reste résolument fidèle à l'effort
que m'impose ma « petite reine ». Dites,
ne le claironnez pas trop ! »
Nous sommes
persuadés
que les sportifs trouveront bien sympathique cette fidélité de
Micheline Presle à la bicyclette..."
Merci à François Terbeen journaliste au Miroir du cyclisme , au Docteur Héraud, directeur de l'Institut National des Sports, à Jean-François Brisson du Figaro, à Jacques Tauzin et à son papa, de Pantin, aux trois frères Rollais et à leur maman, de la Porte des Lilas, à Marcel Chapelin, retraité, à Guerman Titov, cosmonaute soviétique, et à Micheline Presle, vedette.
A suivre...
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