15 août 1935, 9 heures, 51 machines prenaient le
départ de ce premier Critérium cyclotouristique des Alpes - Grand Prix du
Duralumin à Grenoble.
"Le premier Critérium Cyclotouristique des Alpes est entré dans l'histoire. Le résultat en
est magnifique, l'épreuve de L'Auto a parfaitement réussi.
L'itinéraire
établi par notre ami et collaborateur, Ph. Marre, était parfait et mit à rude
épreuve les machines. Reprenons très rapidement la physionomie routière
de l'épreuve.
Dans
la première étape, les cols de la Placette, de l'Epine,
du Granier, du Cucheron et de Porte, virent tour à tour passer les 51
concurrents qui avaient pris le départ à 9 heures. Etape très roulante sur la
totalité de l'étape, un kilomètre en cours de goudronnage et le reste en instance
dans le col de l'Epine furent mauvais. Je vous prie de croire que le goudron
joint au gravillon taquina les chaînes et les dérailleurs qui craquaient dans
une symphonie grinçante. 143 km seulement, mais 3.200 mètres d'élévation. Les
malheureux pilotes partis en rodage physique se trouvèrent éliminer par la
moyenne de 14 km..."
Ainsi débute
l'article de Jean Sapeur "Les résultats du Critérium Cyclotouristique des
Alpes" écrit au lendemain de la dernière étape.
Rappelons que Philippe Marre fut "l'inventeur" des Diagonales de France au début des années 1930.
Rappelons que Philippe Marre fut "l'inventeur" des Diagonales de France au début des années 1930.
16 août 1935,
Grenoble, départ de la deuxième étape...
"Six heures, la ville est encore un peu endormie. Le soleil monte, nimbant les montagnes d'une
poudre d'or. Les sommets se détachent, sur le ciel bleu d'azur, et forment
d'imposants festons de dentelles noirs. Quel beau spectacle que la capitale des Alpes, au matin
d’une journée qui s'annonce splendide !
LE DEPART
Nous retrouvons
le vieux gymnase et son animation. G. Garnaud
de sa voix de stentor fait l'appel des concurrents. Ceux-ci ont quelques
minutes et Dieu sait si elles sont précieuses - pour prendre possession de leurs machines
et arrimer leurs bagages. Puis
c'est la sortie du parc fermé pour se ranger bien sagement, derrière le pilote qui
doit les conduire jusqu'aux portes de la
ville pour leur donner là, le départ.
Encore
un départ rapide pour ne rien changer. Fontaine est
traversée en vitesse et déjà un petit groupe de trois qui marchent à
bonne allure s'est formé. L’on attaque à Seyssinet la rude
côte de St-Nizier La sélection se fait petit à petit et les
meilleurs d'entre les grimpeurs fournissent leurs
efforts.
J'ai souvent déjà
monté cette côte, mais jamais je ne m'en suis lassé. La vue est si belle d'ici. Plus on
monte, plus l'on va d'émerveillement en émerveillement. Certes nos
pilotes du concours n'ont pas le temps d'admirer le panorama,
mais nous qui grimpons sur quatre roues nous en avons le
loisir. L'on peut voir là-bas au fond de la vallée
Grenoble encore peu distinct du fait du brouillard.
L’Isère serpente au milieu
de la ville et l'astre roi à son lever lui donne des reflets
d'or.
SAINT-NIZIER,
JUGE DE PAIX
Nous
arrivons à Saint-Nizier avec un peu d'avance
sur les concurrents.
Excusez-moi si j'emploie
comme titre ce terme un peu « Tour de France », mais je le fais pour
bien démontrer — et c'est la vérité — que cette
côte espaça sérieusement les pilotes, que l'on
peut classer en trois catégories : les as, les moyens et les médiocres.
A tout
seigneur tout honneur, c'est Louis Cointepas qui passa le
premier ayant dans sa roue Richard, puis viennent à
6 minutes Maysonnable, Bernadet, Routens, Manzatto et Simon, c'est un peloton
de méchants qui, comme on le verra par la suite, ne se quittera pas
jusqu'à l'arrivée, exception faite toutefois pour
le Grenoblois J. Routens qui cassera sa manivelle et se verra contraint
d'abandonner, c'est vraiment regrettable, car c'est
un excellent pilote qui quitte le concours.
Nous
notons encore en bonne position et qui n'ont pas l'air
fatigué : Chardon, Fourmy, Oxenlendher, Teil, le vétéran Landrieux qui marche
très bien pour son âge. Vérin et Oudait, les deux excellents pilotes de « Ravat », puis
Martin sur le vélo horizontal qui a monté en un très bon temps également. Belle
performance aussi des vétérans Antonin et J. Panel.
Je le répète, St-Nizier a jugé ! Et
maintenant que chacun roule à sa cadence et à sa place, l'étape se poursuivra
sans grands changements..."
Si
Marcel Cherva a une vision poétique de ce départ, Jean Sapeur évoque quant à
lui le départ sur les chapeaux de roue des concurrents :
"Le
deuxième jour, départ à 6 heures, pour 195 km. et
2.100 mètres d'élévation. La côte de St-Vigier (sic),
au pourcentage agressif, fait enregistrer des écarts de temps énormes, un
peu plus d'une heure de différence entre le premier et le dernier passage. Nous
ne sommes pourtant qu'à 17 km. du départ. Que nous réserve la suite ? "
La
suite ? Cherva nous la décrit avec le même lyrisme !
"A Villard-de-Lans,
les nombreux estivants qui sont actuellement en la charmante petite station ne sont pas peu surpris de
contempler à leur réveil le spectacle du contrôle signature.
Comme à
tous les contrôles où nous nous arrêtons, un petit garçon qui rêve à Pélissier
ou à Speicher, tient d'un air très sérieux la bicyclette du... coureur !
LES GORGES DE LA BOURNE, LE COL DU ROUSSET, DIE
II
ne faisait pas très chaud dans les gorges au bord de la
Bourne et l'eau qui ruisselle un peu partout n'est pas non plus faite pour
réchauffer.
La
cigale hante aux jours chauds de l'été le voisinage de son chant mélodique.
Le
col de Menée est incomparable, c’est un site vraiment ravissant. Flanqués
dans les sapins qui dressent leurs innombrables colonnades de chaque côté de la
route, le col a un pittoresque que rarement l’on rencontre, même en Chartreuse.
Encore
quelques petites côtes avant le col du Fau, puis ce sera la longue, très longue
descente sur Grenoble. Monestier-de-Clermont est traversé rapidement. Le grand
braquet joue un rôle important dans la longue déclivité de 35 kilomètres sur
Vif.
Pont-de-Claix,
voici la magnifique ligne droite qui conduit à Grenoble. Elle est
belle
cette route droite comme un I, on ne peut le nier. Mais
pour celui qui la connaît, elle semble interminable; cette
monotonie est due un peu au passage — surtout en voiture — des arbres devant
les yeux."
tandis
que Jean Sapeur s'attache à remarquer, non sans un certain humour, l'état des
routes... Les Ponts et chaussées étaient déjà brocardés !
"Simplement
des routes non goudronnées, rappelant à certain pilote le Concours du G.M.P.,
en Auvergne. Villars-de-Lans, les gorges de la Bourne et la montée du Rousset
où nous rencontrons l'inévitable rechargement. Les Ponts-et-Chaussées ont sans
doute voulu que leur personnel assiste au passage des concurrents, au moins
deux fois par jour dans chaque étape.
Descente
du Rousset sur Die, excellente maintenant. L'ornière célèbre a disparu pour
faire place à un « monolastic » de première classe. Le col de Menée,
au caractère nettement provençal, nous réserve une montée spécialement destinée
à éprouver les jantes dural, qui, il faut le dire bien haut, en sortirent avec
honneur. Pourtant rien ne manquait : caillou, ravine, sable, poussière,
tranchée d'écoulement, etc…
La
descente est un peu meilleure, mais assez dangereuse. Dans cette descente, j'ai
en le plaisir de suivre le vélo horizontal. Maintenant, je suis convaincu,
cette machine descend aussi bien qu'elle monte. Le col de Fau, sur l'excellente N 75, permit une plongée à mort sur Grenoble. Fin
d'étape très roulante. Tout le monde est dans les délais, sauf les éliminés
techniques."
Cherva
termine son article en donnant le classement et en faisant le point sur les
abandons.
"A GRENOBLE, AU PARC FERME
Déjà
nombreux sont les curieux qui stationnent à la porte de l'ancien gymnase pour
voir arriver les premiers. Quelques concurrents sont là, Louis Cointepas
toujours en grande forme, qui fait le meilleur temps de l'étape, ayant accompli
les 200 km en 7 h 53' (L. Cointepas monte une bicyclette « Helyett »). Après
viennent, par ordre d'arrivée : Simon, Manzatto, Bernadet, Bacquet, Chardon,
Oudart, Cottan, Fourmy, etc...
Cette étape
vit l'abandon de quelques concurrents. Avant
de vous signaler les abandons, je
dois vous dire qu'hier j'ai omis de vous donner l'abandon du
n° 50, le tandem mixte monté par M. et Mme Thienchin
qui n'ont pu arriver avant la fermeture du contrôle.
Voici quels sont les abandons d'aujourd'hui : J. Routens
(manivelle cassée), Oxenlendher (chute, roue
cassée); Gaillot (moyeu avant cassé),
Louis (bris de dérailleur)."
On
notera la présence de René Chardon à la "sixième place de l'étape"
(je mets les guillemets mais cela devait quand même rudement ressembler à une
course...).
Autre
personne connue dans le milieu cycliste aujourd'hui encore : Jo Routens qui
cassa une manivelle, et dont le magasin de cycles existe encore dans l'Isère.
Je
terminerai en évoquant Louis Cointepas.
On
trouve ainsi son nom au palmarès du premier Paris Brest paris Randonneur de
1931 qu'il termina au sixième rang dans un temps de 70 H 30 mn.
Il
fut également l'un des pionniers des Diagonales puisqu'il "inaugura"
4 d'entre elles ! Ainsi, il réalisa en août 1932 Brest Perpignan en 80 heures,
puis, dans la foulée, je présume, Perpignan- Dunkerque en 91 heures.En mars
1933, il parcourut Strasbourg Perpignan en 48 H 30 mn. Sa quatrième Diagonale
fut Brest- Menton (84 H 30 mn) en mai 1935.
(Source
: Site de Dominique Désir, on peut d'ailleurs lire sur ce beau site le récit de
la diagonale de 1935 telle qu'elle parut dans "Le Cycliste".)
Un autre frappadingue, ce Louis Cointepas!!!
RépondreSupprimerVous êtes nombreux, quand-même: et ça remonte à quelques années....