LE CYCLISTE, "Revue mensuelle de cyclotechnie et de cyclotourisme" fondée par Vélocio, annonce dans son numéro d'août 1935 le déroulement du Critérium Cyclotouristique des Alpes en ces termes :
"Nous voici à
deux semaines du Concours de Machines
organisé par l'Auto dans le Dauphiné,
du 15 au 18 août. Il n'est pas exagéré de dire que cette épreuve, dont nous avons été les premiers à annoncer l'organisation, a fait sensation dans nos milieux cyclotouristes. Certains
ont pu s'étonner de voir l'Auto s'intéresser subitement de la sorte au cyclotourisme et aux
machines « tarabiscotées », si différentes dans leur conception de la machine classique « type
Tour de France ». Soulignons cependant
que la présence à la rédaction cycliste de l'Auto, de
notre ami Claude Tillet, qui créa et dirigea
longtemps la Pédale Touristique
n’est pas
étrangère à cette évolution. Mais, quels que soient
les mobiles qui ont guidé l'Auto, il
n'est pas douteux que le seul fait de voir
notre grand confrère quotidien organiser un
Concours de Machine prouve le
développement qu'a pris le cyclotourisme en ces
dernières années. C'était jadis le parent
pauvre, et voilà qu'il passe au premier plan des préoccupations de M. Henri Desgrange ! Peu importe donc que ces préoccupations soient d'ordre publicitaire : pour nous, seul le résultat compte.
Donc, l'intention était déjà louable. La réalisation ne semble pas devoir apporter de déceptions. Le règlement, dont nous avons esquissé les grandes lignes, et qui a paru intégralement dans Cyclo-Sport, est en effet une sorte de synthèse des règlements des concours antérieurs. Le classement sera basé essentiellement sur des données techniques, quasi-mathématiques, et sur la vitesse moyenne ; celle-ci, cependant, n'aura qu'un rôle accessoire par rapport au facteur essentiel, le POIDS, ce qui s'explique d'autant mieux que le Critérium Cyclotouristique des Alpes s'appelle officiellement, en sous-titre, Grand Prix du Duralumin, et est subventionné par la grande firme de Saint-Jean-de-Maurienne."
Le parcours y est présenté sur ce petit schéma. Le circuit est tracé autour de Grenoble. Il comprenait 4 étapes pour un total de 643 kilomètres.
La première de ces étapes conduisait les cyclistes à Chambéry par les cols de la Placette et de L'épine, le retour sur Grenoble se faisant par les cols du Granier, du Cucheron et de Porte. Elle totalisait 143 kilomètres pour une dénivelée de 3200 mètres.
La deuxième partait vers le sud, vers le Vercors en particulier, franchissant les côtes ou cols de Saint Nizier, Rousset, Menée et Faux. 195 kilomètres étaient au programme pour une dénivelée de 2100 mètres.
Le troisième jour les concurrents devaient se rendre de Grenoble à Saint Jean de Maurienne par les cols du Glandon et de la Croix de Fer, soit un périple de 152 kilomètres pour une dénivellation de 2100 mètres.
Enfin, pour terminer, il fallait revenir à Grenoble par les cols du Télégraphe, du Galibier et la côte de Laffrey : 153 kilomètres à parcourir pour finir !
Cet itinéraire fut tracé par Philippe Marre, "l'inventeur" des Diagonales.
Mais ce Critérium des Alpes n'est pas une compétition cycliste, rien à voir avec le Tour de France, c'est un concours de machines. Ce n'est pas le meilleur grimpeur qui est déclaré vainqueur, celui qui parcouru les 4 étapes dans le meilleur temps qui gagne la Coupe !
J'avoue être totalement ignorant en ce qui concerne ce genre d'épreuve et faute d'avoir trouvé le règlement complet, je reprends ici "les articles essentiels du règlement", tels qu'ils furent présentés dans le même numéro d'août de la revue "Le Cycliste".
"art. 7. — Les bicyclettes doivent être obligatoirement équipées
d'un changement de vitesse commandé en marche, donnant au minimum trois
multiplications ; de deux freins au moins ; de pneus démontables ; d'un
dispositif lumineux AV. et AR., alimenté par dynamo ; d'un
porte-bagages AR. tangent ou garde-boue ou le surplombant d'au plus 1
centimètre ; de garde-boue d'une largeur
supérieure d'un centimètre au moins à la section du bandage. Le garde-boue AV.
dépassera la fourche de 15 centimètres au moins ; le garde-boue AR. devra
couvrir la moitié de la circonférence de la roue. La bavette avant est
obligatoire, et peut être amovible. Les machines doivent encore être
obligatoirement munies d'une pompe en bon état de fonctionnement, ainsi que
tous appareils et plaques exigés par la loi. (L'appareil sonore sera
obligatoirement un timbre à son continu) ; de cale-pieds et courroies; d'une
plaque métallique fournie par l'Auto et assujettie dans le cadre par les soins de chaque pilote,
plaque portant le numéro de la machine. Les cadres devront être
émaillés, « métallisés » ou chromés.
Le paquetage
supporté par le porte-bagages doit peser au
minimum 3 kilogs, et, en aucun cas, ce poids ne peut se trouver diminué, sous
peine de mise hors compétition.
Cet article 7 dégage bien l'esprit
du règlement, qui exige que les machines et accessoires
répondent véritablement aux nécessités du tourisme; l'équipement ci-dessus
détaillé est bien celui qui est unanimement reconnu comme étant l'équipement-type du cyclotouriste. La question des 3 kilogs de bagages, déjà exigés au Concours d'Auvergne 1934, n'a d'intérêt que pour éprouver la résistance du
porte-bagages : c'est dans cet esprit que le règlement exige sous peine de
disqualification, que 3 kg reposent toujours sur le porte-bagages."
En effet, tout ceci est bien précis et devait permettre aux constructeurs de tester leur matériel dans des conditions exigeantes.
Je me suis "amusé" à rechercher quelques équipements d'époque...
Je commence par le fameux dérailleur "Cyclo" dont un modèle équipe le vélo de René Chardon que j'utilise de temps à autre.
Cette réclame date de 1939, année où Marcel Laurent remporta Bordeaux-Paris. Il me semble que l'on trouve encore des cale-pieds Christophe (Hommage au Vieux Gaulois). Quant à la marque Zéfal, elle existe toujours puisque c'était elle qui fournissait le bidon officiel du dernier PBP Randonneurs.
Par contre, cette marque-là ?
Non, il ne s'agit pas d'une marque de préservatifs...
Ce phare doit encore se trouver sur certaines brocantes.
Viennent ensuite, les articles du règlement qui donnent les barèmes de bonification et de pénalisation.
Je me suis "amusé" à rechercher quelques équipements d'époque...
Je commence par le fameux dérailleur "Cyclo" dont un modèle équipe le vélo de René Chardon que j'utilise de temps à autre.
Cette réclame date de 1939, année où Marcel Laurent remporta Bordeaux-Paris. Il me semble que l'on trouve encore des cale-pieds Christophe (Hommage au Vieux Gaulois). Quant à la marque Zéfal, elle existe toujours puisque c'était elle qui fournissait le bidon officiel du dernier PBP Randonneurs.
Par contre, cette marque-là ?
Non, il ne s'agit pas d'une marque de préservatifs...
Ce phare doit encore se trouver sur certaines brocantes.
Viennent ensuite, les articles du règlement qui donnent les barèmes de bonification et de pénalisation.
art. 12. — Il donne le barème des poids, établi de 250 en 250 grammes, de 9 kilogs (0 point)
à 18 kilogs (350 points) pour les bicyclettes et de 18 kilogs (0) à
27 (380) pour les tandems.
art. 13. — Il donne le barème des « points-vitesse
», attribués pour la
moyenne générale des quatre étapes : 15 points
de pénalisation pour 14 km.-heure, 0 point pour 18 km.-heure,
24 points de bonification
pour 24 km.-heure.
L'article 14 est un vrai travail d'orfèvre...
art. 14. — Il prévoit les pénalisations suivantes pour avaries de
matériel :
Bris :
- de guidon …………………………………… 50 points
- de changement de
vitesse…………. 50
__
- de jante……………………………………… 50 __
- de roue-libre…………………………. 30 __
- de manivelle……………………………. 30 __
- de pignon de pédalier……………… 25 __
- de tige de selle………………….. 25 __
- de pédale………………………………… 20 __
- de porte-bagages …………………… 20 __
- de frein ………………………………… 15
__
- de poignée de frein…………………. 15 __
- d'attache de frein……………………. 15 __
- d'attache de porte-bagages… 15 __
- de garde-boue………………………….
15 __
- de fixe-pompe ………………………….
15 __
- d'attache de dynamo ………………… 15 __
- de pignon de roue-libre……………. 10 __
- de tringle de garde-boue …………… 10 __
- d'attache de garde-boue ………. 10 __
Rupture :
- de cuir de selle …………………… 10 __
- de ressort ou fil de
selle……… 10 __
- de chaîne………………………………. 5 __
- de rayon ……………………………. 5 __
- de câble de
frein…………… 5 __
- de câble ou
commande de vitesse…… 5 __
- de chariot de
selle………………… 5 __
- de cale-pied………………………. 2 __
Manivelle tordue……………………………. 7 __
Cadre gauchi…………………………………. 50 __
Changement de
vitesse, dont deux vitesses ou plus ne passent pas………….
30 points
Remplacement d'une
enveloppe, en plus des
rechanges transportés et autorisés ………… 30 points
Guidon tordu……. 20 points
Eclairage en panne
totale…… 20 points
Jante fendue……………………………
15 points
Remplacement d'une
chambre à air en plus des
rechanges transportés 15 pts
Changement de vitesse, dont une vitesse seulement ne passe
pas…… 15 pts
Manivelle déclavetée …………… 10 points
Grippage d'un
roulement ........, . 10
—
Jeu anormal du pédalier, ou de la direction
ou d'un roulement…… 10 points
Eclairage dont un
seul feu fonctionne au lieu de deux…… 10
points
Valve cassée……… 5 points
Roue voilée……… 5 points
Mauvais
fonctionnement d'un frein…… 5 points
Jante bosselée……… 5 points
La rupture du
cadre, de la fourche, de l’axe de pédalier,
d'un axe de moyeu, entraîne la mise « hors compétition ».
Toutes les avaries
prévues par le présent article devront
être constatées au parc fermé pour donner lieu à des pénalisations; ces
pénalisations se renouvelleront à chaque arrivée, si l'avarie n'a pas été
réparée.
Toutes les réparations doivent être effectuées dans le temps de l'étape,
et par les moyens du bord, sous peine de disqualification, l'accès du parc
fermé étant interdit aux pilotes et constructeurs, sitôt après l'arrivée, et
jusqu'à l'heure officielle du départ de l'étape suivante.
Et ce n'est pas fini !
art. 15.
- Liberté
absolue est laissée aux constructeurs en ce qui concerne les cotes des
machines. Il ne sera pas toléré, toutefois, de tige de selle dépassant d'une
hauteur supérieure à 20 % de celle du cadre (la hauteur du cadre étant prise de
Taxe du pédalier à celui du tube horizontal du cadre, et la mesure de 20 % étant calculée de Taxe du tube horizontal du cadre à
l'extrémité supérieure de la tige de selle). Par ailleurs, les fourches AV. et
AR. devront ménager un écart d'un centimètre au minimum, et de chaque côté,
bien entendu, pour le passage du pneu, espace sans lequel une roue voilée ou décentrée
ne pourrait tourner librement.
art. 18. — Il prévoit des bonifications et pénalisations à l'examen
technique lors du poinçonnage :
bonifications
Frein AR. à tambour...............
4 points
Dérailleur au pédalier, ou système donnant un nombre de
multiplications supérieur à quatre autrement que par retournement de roue ....
8 points
Couple au pédalier, seul.......... 6 points
Disposition de la
roue libre permettant le changement d'un rayon en
moins de 5
minutes.............. 5 points
Disposition du
frein AR. à tambour permettant le changement d'un
rayon en moins de 5 minutes .... 5 points
PÉNALISATIONS
La section de base
des pneumatiques étant fixée à 38 mm, les sections inférieures
seront pénalisées comme suit :
37 mm............ ........ 10 points
36 mm........................... 20 points
35 mm....................... 30 points
Au-dessous de 35
mm. : Elimination (mesures prises au pied à
coulisse).
art. 23. — Il concerne les tandems. Ceux-ci devront être munis d'un
changement de vitesse donnant quatre vitesses commandées en marche, d'un
paquetage de 4 kilogs; de deux freins
au minimum comme les bicyclettes, le frein AR. étant obligatoirement, cette
fois, à tambour ; et de pneus démontables. En ce qui concerne ceux-ci la
section moyenne de 40 mm servira de base ; une section de 39 mm entraînera
10 pts de pénalisation ; une section de 38 : 20 points ; une
section inférieure à 38 mm entraînera l’élimination pure et simple.
Comme on le voit, le
règlement du concours de l’Auto est assez précis et minutieux pour que les
discussions et les récriminations soient réduites au minimum. L’esprit du
règlement étant de récompenser les meilleures machines, les solutions « de
fortune » ne sauraient être acceptées : les constructeurs en sont
formellement avisés. Un arbitre technique, particulièrement techniquement
impartial sanctionnera les points litigieux éventuels, jugeant en dernier
ressort sur réquisition des commissaires.
Et maintenant… attendons
impatiemment le départ – et l’arrivée – du premier Critérium Cyclotouristique
de l’Auto.
Place à la "course", donc !
Cela ne m'étonne pas que Jacques Seray te connaisse bien ! Je l'ai rencontré avec plaisir samedi et nous avons parlé entre autre Paris-Brest-Paris lors du 27ème Festival du Voyage à Vélo
RépondreSupprimerTout ce travail de passionné et d'historien - que ne désavouerait pas Raymond Henry - mériterait une plus grande audience. Pourquoi ne pas contacter les revues Le Randonneur ou Cyclotourisme ?
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerHeffe est flatteur... J'en rougis ! Mais l'audience de ce petit blog me suffit.
RépondreSupprimerOn aime ton humilité, mais au vu du taf que représente ce blog, il est -à mon avis aussi- bien dommage qu'il n'ait pas plus d'"audience" (si ça s'appelle comme ça)!
RépondreSupprimerMais je respecte tout à fait ton goût pour l'artisanat: ton travail n'en a que plus de valeur!!!
Et je suis très flatté de faire partie de ses heureux lecteurs