1963 : Anquetil se prépare à entrer complètement dans l'histoire en étant le premier à gagner 4 fois le Tour de France. Mais en ce numéro 27 de janvier 1963, la Une de mon magazine préféré présente Anquetil en chasseur.
Ce voyage au bout du monde s'est déroulé durant l'inter-saison en Nouvelle-Calédonie. Sur cette une, Jean Stablinski, champion du monde en titre, et Rudy Altig (me semble-t-il ?) accompagnent Maitre Jacques.
"Miroir du cyclisme" inaugure en cette année 1963 un numéro spécial qui va devenir un classique.
Le numéro 29 présente le prochain Paris-Nice en montrant Anquetil sous la neige lors d'un paris-Nice passé. Et cette édition 1963 de la "Course au soleil" fut remportée par le Normand (pour la troisième fois).
Les "photos couleur à encadrer" font leur apparition en avril 1963. Ce fut un incontournable du Miroir jusqu'au début des années 70, avant d'être remplacé en 1972 par les non moins fameux posters.
En ce début d'année 1963, Pellos fait une revue de détail des forces en présence pour la saison à venir, avec son talent habituel.
Si dans le numéro 30, Joseph Groussard, vainqueur de Milan-San Remo, fait la Une, Anquetil est le héros du dessin de Pellos en avant-dernière page.
Le numéro 31 de mai 1963, présente Altig à la Une mais en page 2 Pellos croque les aventures des champions, chanceux ou malchanceux, du début de saison.
Puis, le Tour de France approchant, Anquetil revient à la Une, avec Poulidor et Van Looy, pour ce numéro de présentation du prochain Tour, la traditionnelle carte murale occupant, comme d'habitude, le centre de la revue.
Quelques jours après le départ de ce Tour 1963, cette Histoire du maillot jaune parait. Et bien sûr les deux champions français font la une : Anquetil - Bobet, Bobet -Anquetil. Il manque Philippe Thys qui lui aussi avait gagné trois Tour de France.
Pour les 60 ans du Tour (le 50ème Tour), Pellos dessine la crème du vélo sur le gâteau d'anniversaire.
Le Miroir du Tour 63 nous annonce le record d'Anquetil qui devance Bahamontes de 3 minutes et 5 secondes tandis que Poulidor termine huitième.
Ce fut la dernière fois qu'Anquetil fit la Une du Miroir en 1963.
Et pourtant, Anquetil a failli faire l'impasse sur ce Tour, à cause d'un... ver solitaire.
Ce qui donne ce long poème au début du Miroir du Tour. Illustré par Pellos, je n'en connais pas l'auteur (Hélas !), peut-être Maurice Vidal (?) mais ce long texte en alexandrins mérite la postérité.
Le Tour était en vue. On affûtait les armes.
Anquetil, en seigneur, avait sans une larme
Dominé ses rivaux, battus à Monthléry.
Puis mis, dans la Vuelta, les autres à sa merci.
C'est d'ailleurs à Madrid que nous nous rencontrâmes
Au-dessus d'une assiette, lui et moi nous liâmes.
J'étais las de quêter une hospitalité
Comportant l'essentiel pour la commodité.
Un abri bien conçu, étendu, confortable,
Où le divan serait à deux doigts de la table,
Où je pourrais enfin accomplir mon destin
Et grandir, prospérer, en mangeant à ma faim.
Et peu m'importait qu'il eût gagné la pratique :
Je me moquais de l'homme
qu'encensait la critique
Et peu m'importait qu'il eut
gagné la Vuelta
Pourvu qu'il ne
manquât d'appétit, d'estomac !
II suffisait
qu'il eût dans le coup de fourchette
Autant
d'alacrité que sur sa bicyclette,
Pour que,
sans m'arrêter à sa notoriété,
J'aspire à devenir son fidèle équipier !
L'essai fut
concluant : il
dévorait, madame !
Aussi, discrètement, j'arrêtai mon
programme,
Et n'eût de cesse qu'il m'admît sans s'en douter
Dans la
splendeur bénie de son intimité !
C'est ainsi
que, posé, sur une côtelette,
Je devins
l'invité de la grande vedette.
Au début,
quelle joie! tout était sompteux :
Un gîte fort
cossu, vaste et harmonieux,
D'avenantes soupentes, une cave de maître
Et des repas
qu'il m'eût déplu de méconnaître !
Je me faisais
petit
et
n'exagérais point
Pour jouir plus longtemps de
cet accueil serein.
Hélas, trois fois hélas ! comment se contrefaire ?
J'avais
faim, je mangeais et croissais tant, misère !
Que je fus démasqué, malgré mes plus grands soins,
Et livré sans vergogne, aux échos, aux
potins.
On lut dans
les journaux qu'un fâcheux locataire
Troublait
Jacques Anquetil : moi
le ver solitaire !
J'étais très mécontent. Je le fus plus encore
Lorsque des
journaleux qui croyaient parler d'or,
Affirmèrent sans rire : « C'est un
ver... littéraire,
Pratique.
Pour tout
dire.- un ver
imaginaire.
Un bobo
controuvé, un fameux alibi
Qu'Anquetil
avançait, ainsi qu'un ver d'aigri. »
Je n'ai
jamais été un
m'as-tu-vu stupide.
Je vis,
discret, caché, dans un creux, dans un vide,
Mais être ainsi traité d'imposteur
opportun
M'affecta et
me fit
un
énorme chagrin.
Pourtant, j'aurais voulu qu'on
les crût sur parole
Ceux-là qui malmenaient — les sots ! — ma gloriole !
Car ainsi on m'aurait laissé grandir en paix,
Et me développer dans un calme parfait.
A la place de quoi, des amis, par centaines,
Donnèrent à Anquetil des recettes vilaines
Destinées à m'occire, sans regret, sans façon :
Cent Borgia tout prêts à donner le
poison !
Inutile, je pense, de dire ma misère.
J'espérais tant du
Tour. Moi, je voulais le faire.
Et j'avais reconnu avec le plus grand soin
Les étapes d'un
grand et savoureux festin.
J'augurais à Rouen une
sauce madère,
A Rennes, un steack tartare, à Bordeaux, du gruyère ;
Anquetil
n'ayant point mauvais goût, à Bordeaux,
J'envisageais
des crus et du meilleur tonneau !
Sans compter
que le Tour traversant la Champagne,
Je n'aurais
pas eu soif, qu'il perde
ou bien qu'il gagne !
Mais alors
que la vie, enfin, m'apparaissait
Sous les plus savoureux de ses
riants aspects,
Voilà que le danger gâta la
conjoncture :
Et que je
fus l'objet d'atteintes les plus dures.
D’abord cet Anquetil, que j'avais cru si bon,
Ne courait plus le Tour et me faisait faux-bond.
Adieu veaux
et douceurs, vaches et cochonailles
!
« II n'y
a, disait-il, que le repos qui m'aille ! »
Et il mettait au point un amer
traitement
Afin de m'expulser de mes appartements,
Comme si je n'étais qu'un
affreux locataire,
Abusif et bruyant, sombre et atrabilaire !
Je ne l'avais, bien sûr, nullement empêché
De gagner sans douleur un joli Dauphiné,
Pourtant, il s'obstina, me déclara la guerre,
Me bombardant — l'ingrat ! — de potions délétères.
Notez, je m'accrochais, moi je voulais rester
:
L'intérieur d'un
champion n'est pas à dédaigner.
Avec obstination, tête dans l'œsophage,
Je résistais,
courbant l'échine sous l'orage...
Ah ! Ceux qui prétendaient que j'étais controuvé,
J'aurais voulu qu'ils
vissent ma superbe santé !
Malgré les
potions, les herbes et les purges,
J'étais encore
debout. Si j'étais dramaturge,
J'écrirais sur cet âpre et douloureux combat
Un drame trop vécu : le ver contre Attila !
Mais tout a une fin, même la résistance.
Certain jour, je cédai, après mille
souffrances,
Vaincu dans un duel sans pitié, sans merci,
Je me retrouvai seul, assommé, sans abri,
Ayant perdu d'un coup mon gîte et ma pitance,
La gloire d'Anquetil, celle du Tour de France !
Et dans le même temps,
mon maître requinqué,
Enfin, ce fût l'avis de
Gem — un retraité —
Victime de pressions multiples et
convergentes
Décidant un
matin : « je fais le Tour de France ! »
Alors, ce fut pour moi un cauchemar sans fin :
Poulidor attaquait, Van Looy mettait le frein
Mon bon maître — l'ancien, car j'étais descendu
Dans le ventre d'un autre, un minable, un
tordu —
Souffrait dans leur sillage, perdu et misérable.
Cherchant le compagnon loyal et secourable,
Qui eût tout
partagé, sa peine et ses repas,
Lesquels passaient très mal, surtout le buffet froid...
Jamais, je n'aurais cru qu'un champion, qu'un
géant,
Pût, même pour un Saint (1) trahir un innocent...
(1) Raphaël
En août, Anquetil laisse la Une aux héros du championnat du monde mais IL est le héros de Pellos.
Pour finir l'année, la première "photo couleur à encadrer" de Jacques Anquetil parait dans le numéro 37 d'octobre 1963.
CADEAU !
L'ogre Anquetil ( le Cannibale ce sera un autre...) a encore fait un gros festin en 1963 comme le montre Pellos dans le numéro 38 de novembre.
Enfin, dans le Livre d'or de cette belle année anquetilienne, Pellos nous annonce les duels à venir de 1964. On en salive déjà !
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