Le 14 août 2013, après avoir relu ce livre de Jean Amila, me voici sur les pas du petit Michou Lhozier et ses trois copains en fugue d'un orphelinat parisien vers le front de Champagne.
En chemin, j'ai visité le camp d'Attila, le musée de Suippes le moulin de Valmy et entonné "La Butte rouge"...
On peut voir le récit du début de ma randonnée, si ce n'est déjà fait, en cliquant ci-dessous.
http://montour1959lasuite.blogspot.fr/2013/08/ma-randonnee-des-hurlus-premiere-partie.html
http://montour1959lasuite.blogspot.fr/2013/08/ma-randonnee-des-hurlus-deuxieme-partie.html
Pendant ce temps, où je pense à la Butte rouge, les kilomètres défilent...
..et me voici tout près des Hurlus, enfin !
Il y a un monument aux morts des plus classiques. Y-a-t-il eu des soldats de 14-18 qui sont morts sur les terres de leur enfance ? Ils ne venaient pas tous du midi de la France, de Bretagne, du Sénégal ou du Maroc tous ces soldats morts sur ces champs de bataille de Champagne et d'ailleurs, il devait bien y avoir des autochtones.
A partir de maintenant les cimetières militaires vont devenir plus fréquents. Je suis sur le front.
Ici ce fut un déluge de feu et de fer durant des mois... Sur ces petites collines, des milliers d'hommes ont souffert, sont morts.
"...Le long des escarpements nord qui dominent la route, on voit encore de nombreux abris français, 300 mètres avant d'arriver à Massiges, on découvre à gauche, la MAIN DE MASSIGES..."
Guide illustré Michelin "Les batailles de la Marne", p.60
Je prends une route à gauche, je monte quelques dizaines de mètres jusqu'à la Vierge aux abeilles qui vit passer tant de Poilus en route vers le grand carnage...
"La Vierge de Massiges attend les visiteurs à l'entrée du parcours qui
les conduira à la découverte de la Main de Massiges, site naturel
théâtre de violentes batailles durant la Première Guerre mondiale. A
l'origine, cette statue en fonte, sortie de fourneaux haut-marnais,
semble avoir été érigée là par les habitants du village. Ils auraient
voulu remercier la mère du Christ de les avoir protégés du choléra. En
septembre 1914, les combats font rage autour d'elle. Son socle est
détruit mais la statue tient bon, toujours debout, non loin des
combattants français.
Prise dans la tourmente des combats dès septembre 1914, elle resta toujours debout parmi les combattants.
Après la grande offensive de Champagne engagée fin septembre et qui dura jusqu'en octobre 1915, elle fut placée au milieu du cimetière militaire provisoire situé au bas de la Main de Massiges, soit quelques centaines de mètres plus au nord, sur un terrain conquis de haute lutte.
C'est au cours de son séjour dans ce cimetière qu'elle reçut une balle en plein cœur. Ce fut sa seule blessure en dépit des violents combats qui l'entourèrent quatre années durant. Des abeilles qui cherchaient refuge élirent domicile à l'intérieur de la statue, en entrant par ce petit trou. Après la guerre, elles y restèrent. Lorsque la Vierge fut réinstallée à son emplacement d'origine et sur un socle, le 31 mai 1931, la ruche suivit. En 1970, la statue devint officiellement le monument aux morts de la commune. Cette année coïncida avec le départ des abeilles. Qui sait, peut-être était-ce l'essaim qui protégeait la statue et non l'inverse…"
Prise dans la tourmente des combats dès septembre 1914, elle resta toujours debout parmi les combattants.
Après la grande offensive de Champagne engagée fin septembre et qui dura jusqu'en octobre 1915, elle fut placée au milieu du cimetière militaire provisoire situé au bas de la Main de Massiges, soit quelques centaines de mètres plus au nord, sur un terrain conquis de haute lutte.
C'est au cours de son séjour dans ce cimetière qu'elle reçut une balle en plein cœur. Ce fut sa seule blessure en dépit des violents combats qui l'entourèrent quatre années durant. Des abeilles qui cherchaient refuge élirent domicile à l'intérieur de la statue, en entrant par ce petit trou. Après la guerre, elles y restèrent. Lorsque la Vierge fut réinstallée à son emplacement d'origine et sur un socle, le 31 mai 1931, la ruche suivit. En 1970, la statue devint officiellement le monument aux morts de la commune. Cette année coïncida avec le départ des abeilles. Qui sait, peut-être était-ce l'essaim qui protégeait la statue et non l'inverse…"
Article paru dans le journal L'Union du 21 juillet 2010
Arrivé près de la vierge, j'hésite à suivre les flèches qui guident le visiteur vers la Main de Massiges. Jamais entendu parler de ça, moi !... Mais bon, je prends mon courage à deux mains, je mets un tout petit braquet et mouline sur une petite route à la pente raide bien goudronnée puis sur un vilain chemin caillouteux, jusqu'à cette pancarte.
Je suis sur un petit plateau (rien avoir avec celui cité plus haut !) qui surplombe la plaine.
« … Nous gravîmes cette hauteur par un boyau, nous le dégringolâmes par le côté opposé et nous nous trouvâmes au pied d’une autre colline, « l’Index », un des doigts de la fameuse Main de Massiges dont les ravins qui les séparent sont peuplés de cimetières où dorment tant de gars du Midi, rançon de la fameuse victoire de Champagne en septembre 1915… »
« … Nous gravîmes cette hauteur par un boyau, nous le dégringolâmes par le côté opposé et nous nous trouvâmes au pied d’une autre colline, « l’Index », un des doigts de la fameuse Main de Massiges dont les ravins qui les séparent sont peuplés de cimetières où dorment tant de gars du Midi, rançon de la fameuse victoire de Champagne en septembre 1915… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p. 430)
Là-bas, vers la gauche ce sont les doigts de la fameuse main...
« …Cette main de Massiges est formée par six collines se détachant d’un petit plateau, mais comme une main de chrétien n’a que cinq doigts une d’elles a été baptisée « le faux pouce »…
« …Cette main de Massiges est formée par six collines se détachant d’un petit plateau, mais comme une main de chrétien n’a que cinq doigts une d’elles a été baptisée « le faux pouce »…
Pour franchir le « Faux pouce », on passait dans un
tunnel de 150 mètres de long que suivaient les rails d’une voie « Decauville ».
Sur les côtés de ce tunnel s’ouvraient des galeries et des
chambres où des compagnies entières étaient abritées, mais c’était extrêmement
humide et sombre…»
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.431)
Ce monument en mémoire des Marsouins est la première chose que l'on découvre sur le Cratère, la partie la plus à l'est de la Main ainsi nommée à cause de carrières qui s'y trouvaient avant la guerre.
Ensuite, on découvre un entonnoir de mines datant de 1915. Un trou énorme !Car non seulement, on se tirait dessus, avec des fusils ;
on se balançait sur la tête quantités de bombes et d'obus de tailles diverses et variées ;
certains de ces obus pouvaient même contenir des gaz asphyxiants et si ce n'était pas suffisant, on pouvait même finir le travail à la baïonnette !
Mais en plus, on creusait sous les tranchées, les collines, on bourrait les trous réalisés de mines et on faisait tout exploser ! BOUM !
Quelle imagination...
Et puis apparaissent les tranchées...
« …On
pouvait voir quelques canons disloqués et quelques restes de ces fameux boyaux
et tranchées où, comme disait le Haut Bourrage de crâne, nos braves poilus
démerdards se trouvaient comme des rois dans des palaces…
Les
mômes regardaient. Ainsi c’était ça les régions dévastées ?
Ils
n’avaient encore rien vu…»
"Le Boucher des Hurlus" p.154
Ici, depuis quelques années, une association a fait un remarquable travail de mémoire, reconstituant les tranchées de ce secteur, en particulier grâce à des photos aériennes.
Visite guidée, par temps sec... ce qui n'était pas toujours le cas entre 1914 et 1918...
"Après une heure de marche à
découvert, nous avancions en colonne par un, et commencions le trajet à travers
des boyaux remplis d’eau et de boue blanche, gluante et glacée. Il pleuvait
sans arrêt (comme de la neige fondue) depuis notre départ. Nous étions forcés à
certains endroits, de nous baisser et de nous mettre à genoux dans la boue,
pour pouvoir franchir des passages couverts de rondins où, de jour, l’ennemi
pouvait nous apercevoir. Après trois longues heures de marche à travers toutes
ces lignes, nous arrivâmes enfin aux tranchées, mais dans quel état piteux de
malpropreté ! … »
(Journal d'un Poilu, p.64)
Et il fallait vivre là-dedans...
Surveiller l'ennemi.
« …A six mètres de notre barrage les Allemands avaient
établis leur barrage, et quelques fils de fer barbelés jetés entre et qu’on
aurait pu franchir en quatre enjambées séparaient seuls deux peuples, deux
races qui s’exterminaient.
Il y avait même une sape
couverte qui aboutissait à un mètre des sacs de terre allemands, on aurait pu
en allongeant le bras se serrer la main… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.355)
Etre prêts à tout moment à partir à l'assaut...
De multiples objets retrouvés sur le site restent exposés ici, modestes témoins de la vie des tranchées.
« …Il y avait à l’intérieur de l’Index de véritables
catacombes avec des centaines de couchettes en fil de fer mais il y régnait une
obscurité complète et une humidité extraordinaire…
Au-dehors, il y avait un grand nombre d’abris plus aérés,
ajourés avec des tôles ondulés pour toit ou terrasse et où on était de
plain-pied avec le chemin en lacet qui serpentait de haut en bas de l’Index…
Malheureusement, nous avions affaire à des artilleurs allemands
d’une extrême habileté (…), ce qui faisait que la plupart des habitants avaient
abandonnés leur abri pour se réfugier dans le souterrain… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.434)
Il fallait profiter du moindre moment de répit pour se reposer un peu, écrire son courrier (le faisaient-ils au front ?) ou tenir son carnet de guerre.
« ..Malgré le froid
intense, des rats énormes circulaient comme chez eux à travers les tranchées.
Nous nous amusions à leur faire la chasse à coups de baïonnette, pour nous
réchauffer… »
(Journal d'un Poilu, )p.66
A l'arrière des tranchées, des abris ont également été reconstitués.
« … Le lendemain 22
juillet, nous quittâmes la ferme de Bouy pour rejoindre notre régiment qui
depuis le 17 était en ligne près de la butte de Tahure…
Donc à minuit on vint nous
relever et cinq minutes après nous étions devant l’abri de repos, peu profond
mais à deux sorties. Le fond était planché, ce qui alors pouvait paraître un
luxe ; ces planches servaient de sommier et de matelas ; c’était du
confort vu que jusque là on était couché sur la terre humide.
Pour ceux qui envieraient ce
bien-être, il faut dire que des légions de poux et de puces avaient élus
domicile dans ce plancher… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.345)
C'était en effet le grand luxe...
Il y avait même un poste de secours.
Certains secteurs ne semblent pas avoir encore été explorés, il reste encore des découvertes à faire. Dont certaines funestes : voici quelques semaines, le squelette d'un Marsouin normand, Albert Dadure, a été retrouvé sur ce site. Mort au combat le 7 février 1915, le Poilu avait été porté disparu. 98 ans après, l'association de la Main de Massiges recherche ses éventuels descendants.
Un grand travail d'histoire, de mémoire et d'archéologie est à l'oeuvre sur ce site où je ne regrette pas d'être monté avec mon petit vélo...
Mais le temps passe et il me faut continuer ma randonnée.
« …Le 2 mars 1917 à 9
heures du soir, nous quittâmes la Main de Massiges pour venir à Ville sur
Tourbe…
Par des averses de neige, notre
groupe rassemblé à l’Index s’achemina vers notre nouveau secteur environ à 6
kilomètres, traînant les pièces à bras, ce qui était assez dur, surtout que
pendant une demi-heure il fallut marcher sur un chemin fait de rondins placés
les uns à côté des autres. Des rondins s’étaient disjoints, d’autres s’étaient
enfoncés ou soulevés : malgré le froid très vif nous avions notre chemise
trempée de sueur.
Quand nous sortîmes de ce chemin, nous traversâmes un lieu de
ruines d’où émergeait la carcasse d’une église, c’était Massiges.
Plus loin,
d’autres ruines, Virginy, bientôt apparurent d’autres ruines aussi mornes et
solitaires, c’était ce que fut Ville-sur-Tourbe… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.438 & 439)
Je mets le cap à l'ouest pour contourner le camp de Suippes.
Me voici tout près d'un autre village rayé de la carte, Ripont.
J'y découvre une jolie petite église reconstruite en 1937.
"Que votre volonté soit faite"
Rien ne vaut le fatalisme pour justifier, expliquer, accepter l'horreur...
L'intérieur de ce petit monument est coquet.
Les vitraux, qui semblent dater de 1974 et sont l'oeuvre du peintre verrier Jean Mauret, me plaisent beaucoup...
Oui, beaucoup !
Je vais faire un petit détour, tout petit, par le département des Ardennes et ce petit coq attire mon regard : Clic-clac ! Est-ce le clocher de Fontaine en Dormois ou de Gratreuil, je ne m'en souviens point.
Après quelques kilomètres dans la verdure de la vallée de l'Allin, je reviens sur la plaine désolée. Sur ma gauche, défilent La butte de Tahure, le Mont Muret et bientôt la Butte de Souain.
Pour faire mentir l'infirmière du livre d'Amila (« …Mais les généraux sont faits pour mourir
dans leur lit… ») je découvre près du monument en mémoire du 170ème Régiment d'infanterie, peu avant Sommepy...
...une croix en souvenir du Lieutenant colonel Charlet tué ici en septembre 1918. Ainsi, tous les officiers supérieurs ne sont pas morts dans leur lit.
Me voici à Sommepy qui paya aussi un lourd tribut à la guerre.
La commune aujourd'hui s'appelle d'ailleurs Sommepy Tahure.
L'église, monumentale, a été reconstruite...
...ainsi d'ailleurs que la mairie, tout aussi monumentale...
...qui abrite un petit musée que je n'ai, hélas, pas pu visiter. Pas plus que le Monument américain, mais il me faut faire des choix si je ne veux passer toute la prochaine nuit sur mon vélo. Je n'ai pas pris mon pyjama !
Je suis maintenant sur le chemin du retour mais un vestige de la guerre va m'arrêter une nouvelle fois : le monument Navarin.
Retrouvons encore une fois Michou et ses potes, en visite dans la zone dévastée, on est presque à Perthes-lès-Hurlus... C'est quelque part là-bas, sur la droite.
Retrouvons encore une fois Michou et ses potes, en visite dans la zone dévastée, on est presque à Perthes-lès-Hurlus... C'est quelque part là-bas, sur la droite.
« …Même
les voix semblaient être absorbées par cet état semi-liquide, semi-gazeux qui
couvrait le champ de bataille. Et lentement, insidieusement, l’odeur atroce se
précisait.
Les
mômes étaient cependant habitués à l’horrible renifle des tinettes de
l’orphelinat, mais là, il y avait encore autre chose. La merde, oui, mais aussi
la pourriture des tripes accumulées ou répandues, où picoraient encore les
oiseaux noirs dans le vague redoux qui suivait les grands gels… »
(Le Boucher des Hurlus, p.155)
« …On
entendait assez loin un jappement, suivi d’un long hurlement. Et puis, sur tout
le champ de bataille jusqu’à l’Argonne lointaine, c’était bientôt comme mille
échos hurlés, là où des dizaines de milliers de victimes avaient été abattues,
maintenant bouffées par ces chiens perdus et ces loups errants qu’on disaient
survenus des forêts germaniques.
La
guerre était finie. Mais là, durant des mois des années, après chaque attaque
imbécile ordonnée de loin par le Boucher des Hurlus, on avait pu entendre
hurler, non pas des loups, mais des hommes dans leur agonie entre les lignes,
d’où personne ne pouvait les relever… »
(Le boucher des Hurlus, p. 155 & 156)
« …Il
n’y avait pas de tombe, il y avait des tas. C’était un monceau d’ossements, de
deux ou trois fois hauteur d’homme, en pyramide de déjection. On reconnaissait
des côtes, des bassins, rien qui se tenait, tout mêlé. Bizarrement peu de
crânes, comme si ceux-ci avaient roulé en-dessous, dans l’atroce boulot des
éboueurs des Hurlus… »
(Le boucher des Hurlus, p.157)
« …Et
que va-t-on faire de ces reliques ? avait demandé un sous-miteux ému.
Le
capitaine Machin n’en savait rien. Peut-être la poudre d’ossements concassés
serait-elle répandue sur la maigre terre de Champagne, mitonnant de nouveaux
cépages pétillants pour bals et cotillons ?
Non. Il
était question, disait le guide, d’une immense poubelle où l’on
rassemblerait tous ces fémurs, crânes,
côtes et clavicules réunis pour l’éternité avec un colosse bâtiment en
béton : « Honneur, Patrie »…
(Le Boucher des Hurlus, p. 160)
C'est assez cru, réaliste, presque indécent, comme description.
On entendrait presque les bonnes âmes protester : "Respectez "nos" morts !"...
Parmi ces 10000 soldats ici inhumés, combien de Français ? Combien d'Allemands ?...
Le général Gouraud mort en 1946, à 79 ans (dans son lit ?) fut inhumé dans ce monument Navarin lors d'obsèques nationales en 1948.
Pour en terminer avec ce général, voici ce qu'en dit Louis Barthas :
« Le 21 juillet 1916…Le général Gouraud, mutilé d’un bras
et d’une jambe, chef de la 4ème armée était là. Pas l’air commode ce
général autour duquel s’empressaient les officiers chamarrés de galons et de
brisques et pour la plupart aussi plat devant un chef qu’arrogants devant un
subordonné.
L’attaque et la défense d’une tranchée furent couronnées de
succès comme toujours sur un terrain de manœuvre …
Tous les assistants furent ébahis ou feignirent de l’être, puis
on écouta religieusement la parole du foudre de guerre le général Gouraud.
Le pape faisant un sermon à St Pierre n’est pas écouté plus
respectueusement au milieu de cette foule…
…Avec tout cela on verrait bien si les Boches ne décamperaient
pas. Le Général Gouraud lui n’en doutait pas… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p. 342 & 343)
D'accord, il exagère un peu le caporal Barthas, le Général, s'il était bien manchot, n'était pas unijambiste...
Moi non plus d'ailleurs et bientôt me voici à...
Souain (Souvenons-nous des caporaux de Souain.)
Perthes-lès Hurlus (Rappelons-nous, même si c'est un personnage de fiction, du papa Lhozier, l'anarcho-syndico, fusillé en 1917 pour mutinerie.)
Ici aussi, l'église a été reconstruite.
A la mairie, il y a un petit musée, mais trop tard, c'est fermé. Pourtant, par la fenêtre, j'aperçois un vieux coq de clocher, parmi les objets divers exposés.
Est-ce le coq de Perthes ou celui de Souain ? En tout cas il ne semble pas avoir été la cible de soldats désoeuvrés : y'avait d'autres cibles dans le secteur.
Entre saint Hilaire le Grand et Mourmelon le Grand, je fais un détour pour un dernier rendez-vous, la chapelle et au cimetière russes.
Et oui, plusieurs milliers de soldats russes combattirent sur le front de Champagne.
Ici reposent près d'un millier de jeunes Russes.
Ils sont venus, après un long voyage en bateau, pour être enterrés sur cette terre champenoise.
Louis Barthas les évoque dans ses souvenirs :
« …Le soir nous entendions les chants et les prières
exécutés et dits en commun par les Russes qui se trouvaient au camp de
Mailly… »
(Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, p.373)
Cette fois-ci, j'en ai bien fini de la Grande Guerre, pour aujourd'hui...
A Mourmelon-le-Petit, ce cycliste m'arrête pour me demander le chemin de Châlons où il compte arriver pour la nuit. Nous avons du mal à nous comprendre car il est sourd et muet, me semble-t-il. Je lui montre sur ma carte le chemin qu'il doit suivre puis le lui écrit sur un dépliant touristique en sa possession.
Il est apparemment impressionné par mon équipement de "pro" de la randonnée cycliste : mon gilet fluo, mon éclairage.
Quant à moi, je fus bien plus impressionné quand il me montra sur sa carte de l'Europe le périple qu'il avait déjà fait depuis Nice jusqu'à Marseille, Bordeaux et ... Mourmelon-le-Petit, donc. Il comptait aller ensuite à Troyes puis à Paris avant de mettre le cap sur Bruxelles pour revenir en France et terminer son voyage à Besançon.
Chapeau, l'artiste ! J'espère qu'il a pu continuer (et finir) son voyage sans soucis !
Pour terminer, cette jolie maison d'école, et à quelques jours d'une nouvelle rentrée scolaire, je ne résiste au plaisir de citer encore une fois Jean Amila :
« …Le
fameux certif pour lequel ils se gonflaient la coloquinte, ça valait pas moins
qu’une punaise privée de suçoirs. L’instruction primaire ne produisait que du
petit mec embrigadé, catalogué, salopé comme sous-race, tout juste bon aux
basses besognes, et mobilisable en première ligne dès que des fumiers hautement
diplômés décrétaient la Patrie en danger… »
(Le Boucher des Hurlus, p.49 & 50)
Décidément, Jean Amila fut un grand écrivain !
Bien sûr, je suis rentré à la nuit noire, mais j'avoue que j'adore rouler la nuit sur mon vélo.
Je rappelle brièvement mes sources :
Le Boucher des Hurlus, Jean Amila (Ami l'Anar...), Edition Folio Gallimard : A lire absolument, comme les autres livres d'Amila (et de Jean Meckert, son vrai nom d'état civil), je recommande particulièrement "La lune d'Omaha" et "Les balcons d'Hiroshima".
Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918, Edition La Découverte
Journal d'un Poilu, Henri Laporte, Edition mille-et-une-nuits
Si je reviens comme je l'espère, Lettres du front et de l'arrière de la famille Papillon, Edition Grasset
Les guides Michelin des champs de bataille, Edition 1921 et 2012 , trouver les éditions originales des années 20 me comblerait d'aise...
J'ai aimé:
Le soleil qui m'a accompagné tout au long de la journée.
Le Centre d'interprétation Marne 14-18 à Suippes est un bien joli musée qui mérite une petite visite
La Main de Massiges est un lieu émouvant, le travail réalisé par l'association sur ce site est remarquable. Par temps gris ou pluvieux, on doit encore mieux appréhender ce qu'était la vie des soldats de 14-18. Mais s'il avait plu, je n'aurais sans doute pas grimpé la petite bosse (Scrogneugneu...), je n'aurais peut-être même pas atteint Châlons tant mon moral aurait été bas... Alors...
L'église russe vaut également le détour, par son côté anachronique dans ce décor.
Les vieux poteaux Michelin qui signalent les cimetières miltaires
J'ai raté :
Les petits musées des mairies de Sommepy et de Souain , et d'autres peut-être, méritent certainement le détour (se renseigner avant sur les horaires...)
La partie ouest du front de Champagne entre Sommepy et Reims (ce sera l'occasion d'une autre rando...)
Je n'ai pas aimé :
Les paysages mornes et monotones : à éviter si l'on n'a pas un but précis.
Le monument Navarin, qui ne m'a ému qu'au travers le texte d'Amila (Merci, Monsieur). Donc à la maison seulement...
Les noms de certaines rues des villages traversés, trop souvent en l'honneur de glorieux généraux...
Pour le centenaire de la Grande tuerie, on pourrait débaptiser toutes ces rues et les remplacer par des rues de la Paix, rues de la Joie, rues du Bonheur, rues de l'Amour et pourquoi pas rue du Chat qui pète, rue de la Mouche qui dit des gros mots, rue de Jean-Pierre qui se cure le nez, rue de Daniel qui pue des pieds... Le concours est ouvert !
BRAVO et merci pour ce reportage très documenté. Cela me laissera sans doute plus de souvenir que l'Histoire apprise à l'école !
RépondreSupprimerUn très beau travail de synthèse, très documenté, clair et qui prend là (voir figure 1).
RépondreSupprimerBravo!
Je te mates un A+++
CHAPEAU,tant au cycliste,qu'au "reporter",et ce pèlerinage j'aurais aimé qu'il fût le mien,car j'ai effectué en 70/71 des "Ecoles A Feu",qui ne sont ni plus ni moins que des tirs réels,au canon,qui vous donnaient un frisson,lors des impacts,quand vous pensiez aux fantassins de 14 et à tout ce qu'il ont enduré!J'ai pu ainsi
RépondreSupprimer"Visiter" le camps de Suippes de long en large,non sans risque,mais cela m'a rendu plus humble.MERCI1000 n